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L'anglais à l'école

Dernière mise à jour : 26 sept. 2020

Extraits du rapport de septembre 2018


Les professeurs des écoles se trouvent en grande, parfois très grande, difficulté, pour satisfaire l’obligation qui est la leur d’enseigner une langue vivante étrangère devenue obligatoire dès le CP en 2016. Un très faible pourcentage d’entre eux, de 10 à 15 % seulement, ont un parcours en langues vivantes. Ils sont nombreux à ne pas se sentir en confiance pour assurer cet enseignement dont ils disent souvent eux-mêmes ne pas maîtriser des bases suffisantes.


Les langues ne font pas partie des fondamentaux et sont peu abordées dans les 18h de formation obligatoire annuelles : leurs pratiques sont donc relativement peu évaluées par les inspecteurs du premier degré qui observent peu les cours de langue lors de leur passage.

Une conséquence immédiatement observable de cette situation est la difficulté à fluidifier le passage du primaire au collège en langues vivantes.

Les enseignants de collège observent une grande hétérogénéité du niveau des élèves arrivant en sixième et ont du mal à en évaluer et à prendre en compte leurs acquis. Les élèves reprennent donc souvent les apprentissages au tout début, ce qui peut nuire à l’intérêt qu’ils portent à la discipline.


La bonne volonté et la loyauté des professeurs des écoles n’est nullement en cause et cette mission salue leur engagement. Ils s’efforcent de répondre aux demandes de l’institution en trouvant des solutions pour compenser ces difficultés. Les inspecteurs du premier degré en charge des langues sont de précieux points de repère et des conseillers indispensables.

Leur demande récurrente est de disposer d’un guidage plus précis, d’une ossature qui leur permette de construire, en équipe, un parcours linguistique pour les élèves.


Pour clarifier les attendus et les repères de progressivité, un groupe d’experts piloté par la Dgesco pourrait se voir confier la tâche de construire des parcours linguistiques guidés, une progression clairement repérée en complétant et surtout en réorganisant la présentation des nombreuses ressources pédagogiques existantes sur le site national Éduscol.


Construire la continuité école-collège dans le cadre de l’école du socle est une condition incontournable de la construction d’un parcours réussi en langues vivantes pour les élèves.

Faire de l’école du socle une réalité doit devenir une priorité. Une réflexion doit être menée sur la construction de parcours des élèves, la mise en cohérence de ces parcours dans une école et au sein d’un même réseau.



DES MÉTHODES PLUS DYNAMIQUES


Nous avons voulu savoir ce qui motive et passionne les élèves dans l’apprentissage des langues. Lorsqu’on a d’ailleurs formulé cette question dans une école néerlandaise, la réponse et surtout l’amusement de l’enseignant ont été révélateurs :


« Why don’t you ask them ? » – pourquoi ne leur posez-vous pas vous-mêmes la question ?

Nous l’avons fait dans plusieurs établissements. Ce qui en ressort est clair. Les jeunes apprennent mieux lorsque l’apprentissage de la langue est lié à des projets ou à des tâches précises, et pourquoi pas, tant qu’on y est, distrayantes et agréables ! L’un des cours les plus étonnants que nous ayons vus en Irlande consistait à fabriquer avec des morceaux de Lego des films d’animation. À l’aide d’une application, des jeunes de 10 ans bougeaient de petits personnages, enregistrant l’évolution des personnages image par image, pour ensuite raconter une histoire avec commentaire en gaélique.

Nous avons vu des clubs de lecture en anglais aux Pays-Bas, où les étudiants se rassemblent – volontairement même ! - pour lire des livres en langue étrangère puisés dans une base de données validée par les enseignants.

La France n’est d’ailleurs pas en reste. Nous avons vu des choses franchement passionnantes, le résultat d’initiatives de professeurs particulièrement inventifs, à l’écoute des besoins et des centres d’intérêt de leurs élèves. Une classe d’arabe, par exemple, où une jeune reporter, a fait l’interview d’un poète arabe (l’un des élèves déguisé), le tout filmé sur smartphone et habillé avec le générique du journal de France 24 en arabe. Une autre classe nous a montré fièrement un livre, édité par un imprimeur, recueillant des poèmes que les élèves avaient eux-mêmes non seulement écrits, mais également illustrés dans d’autres langues. Créer un journal, faire des repas à thème, des émissions de radio, des débats, etc. Toutes ces initiatives ne peuvent qu’accroître le goût des langues.

Nous avons vu des clubs de théâtre, des lieux où l’on prend plaisir à s’exprimer en langue vivante, tout en apprenant aussi à maîtriser son corps et l’expression orale, donnant cette confiance en soi qui souvent handicape les apprenants lorsqu’il s’agit de prononcer les sons d’une autre langue.

Enfin, il suffit de regarder une initiative lilloise qui s’appelle SchoolLab pour constater que la France sait aussi promouvoir des idées innovantes pour marier l’intérêt des élèves pour les sciences et leur éveil aux langues. Il s’agit d’un concours de communication scientifique « en anglais et en trois minutes » qui s'adresse aux élèves de troisième, organisé dans l'académie de Lille par le rectorat, la Dareic et le British Council.

Les candidats doivent présenter un concept scientifique en trois minutes en anglais. Les sujets sont pour le moins variés : « how to make ice cream », « the role of probabilities in Justice », « the mystery of fear ». Des finales sont organisées dans chaque collège. Un jury de trois personnes (personnalités du monde des sciences, de la communication scientifique) désigne l'équipe lauréate, qui participera à la finale académique. On peut regarder ce film sur Youtube pour constater l’enthousiasme non seulement des candidats mais aussi du public. https://www.youtube.com/watch?v=wkWzf5aEPYU&t=285s


À une époque où chacun sait pertinemment que les élèves, une fois sortis de leur école, collège ou lycée, se ruent sur leurs smartphones pour regarder une quantité industrielle de clips, de films et de chansons, nous nous sommes étonnés que ce matériel, une ressource pédagogique dont on n’aurait pas rêvé il y a quelques années seulement, ne soit pas davantage mis à profit. Il s’agit incontestablement d’une source précieuse d’activités parascolaires qui ne demandent pas mieux que d’être intégrées dans le processus d’apprentissage.


Fait intéressant, ce sont des élèves eux-mêmes, davantage que les professeurs, qui nous ont vanté l’existence de plusieurs applications qui les motivent à échanger, une fois rentrés à la maison, avec des autochtones. Tandem propose de pratiquer des langues avec des locuteurs natifs, gratuitement. Des activités « fun » très clairement basées sur les centres d’intérêt des locuteurs sont souvent associées à ces échanges. Par exemple, au moment où nous rédigeons ce rapport, Tandem Fanzone permet de discuter avec des partenaires dans d’autres pays sur les derniers résultats du Mondial de football.

https://www.tandem.net/fr/



Plus de 5 000 enfants plus jeunes suivent Kokorolingua, une autre application pour apprendre l’anglais destiné à de très jeunes enfants dans des conditions très ludiques.

D’autres initiatives, comme English Attack, proposent une utilisation pédagogique de cette richesse. Les créateurs de ce service, puisant dans leur propre expérience des jeux vidéo, ont conçu des applications ludo-éducatives. En collaboration avec des enseignants et des spécialistes en science cognitive, cette plateforme immersive d’anglais est centrée sur la motivation de l’élève. English Attack travaille la motivation de l’élève via des exercices basés sur des extraits de films, de séries télévisées, de chansons, et publie chaque semaine de nouveaux exercices en fonction de l’actualité culturelle ou sociétale. Le recours au numérique propose notamment une approche bienveillante des langues où l’on privilégie le score qui récompense à la note qui sanctionne.

https://www.iledefrance.fr/english-attack-aide-lyceens-a-apprendre-l-anglais-grace- aux-films-aux-jeux


Il ne faut pas caricaturer ni exagérer non plus l’apport du numérique extrascolaire dans le cursus. Une élève nous a dit d’elle-même : « Nous en avons marre de la technologie ! ». Il s’agit de s’en servir à bon escient et surtout de ne plus établir des barrières de plus en plus artificielles entre pratiques d’apprentissage dans la salle de classe et celles de plus en plus prisées chez soi.



UN APPRENTISSAGE RECOMMANDÉ DÈS LE PREMIER DEGRÉ


La conférence donnée par Stanislas Dehaene au Collège de France le 13 octobre 2016 affirme sans ambigüité que l’apprentissage des langues doit commencer tôt, très tôt.

http://www.college-de-france.fr/site/colloque-2016/symposium-2016-10-13- 12h15.htm


Les langues constituent vraiment un cas à part lorsqu’il s’agit de la nécessité de les apprendre tôt. Cela résulte de la capacité du cerveau humain à assimiler une langue. Les chercheurs ne sont pas forcément d’accord sur l’âge exact auquel l’enfant perd la possibilité d’apprendre une langue de façon maternelle, certains le situant dès 10 ans déjà, d’autres à 12. Tous sont formels, en revanche : cette « fenêtre » se ferme relativement tôt.

Un article de Newsweek paru au mois de mai 2018 cite la plus grande étude jamais réalisée à ce sujet (sur 670 000 participants) qui a identifié l’âge de 10 ans comme celui où la fenêtre se ferme, même si pendant toute l’adolescence l’on garde une facilité à apprendre la grammaire d’autres langues. http://www.newsweek.com/scientists-pinpoint-best-age-learn-second-language- 907505

https://osf.io/pyb8s/


Recommandation

Au primaire, commencer tôt, très tôt, le plus tôt possible selon les chercheurs.


Contrairement à ce que l’on peut croire, les enfants naissent avec la capacité à reproduire tous les sons du monde. Assez rapidement, exposés à notre entourage linguistique, nous désapprenons les sons qui ne nous seront pas utiles. Lorsqu’on est dans la phase « éponge », l’enfant construit un immeuble neuf chaque fois qu’il apprend une nouvelle langue. Une fois l’âge maximal atteint, le cerveau loge les nouvelles langues dans l’architecture des immeubles déjà construits, c’est-à-dire de façon non-maternelle, avec notamment un accent. L’un des auteurs de ce rapport, passionné de langues, qui a appris le français dans des livres à partir de 11 ans et qui vit en France depuis trente-neuf ans déjà, en fournit un exemple vivant.

La majorité des pays de l’UE suivent cette préconisation d’enseignement précoce. Selon le rapport Eurydice, 83 % des enfants en primaire apprennent une langue étrangère. L’apprentissage commence dans la majorité des pays entre 6 et 8 ans. Les jeunes enfants luxembourgeois passent 44 % de leur temps dans les cours de langues vivantes.

De nouvelles recherches font part de découvertes intéressantes et inattendues. En Sarre, on a établi qu’il y a un ordre plus performant dans l’apprentissage des langues vivantes. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il est plus efficace d’apprendre d’abord une langue très contrastée avec sa propre langue maternelle, avant d’entamer une troisième langue. Il vaut mieux que les jeunes allemands suivent l’ordre :

allemand  français  anglais plutôt que allemand  anglais  français.

L’Allemagne fournit un autre exemple frappant qui montre que rien n’est plus efficace pour apprendre une nouvelle langue que la simple « immersion » dans le pays. Certains jeunes réfugiés syriens de 7 à 10 ans ont appris l’allemand sans accent après une année seulement de cours dans toutes les matières. Il ne faut donc pas redouter, dès les petites classes, des enseignements en langues sur un horaire important.


Recommandation

Dès le primaire, et particulièrement en anglais, travailler la musicalité, la phonologie et l’accentuation de la langue.



L’une des raisons principales du retard pris dans l’enseignement de l’anglais en France résulte du fait que l’on n’enseigne pas du tout le rythme très spécifique de cette langue, rythme qui est diamétralement opposé à celui du français. Nous avons même eu l’impression que certains professeurs ignorent ce fait !

Son rythme est aux antipodes du français, langue où chaque syllabe est prononcée pleinement selon sa valeur de base. Dans le mot « banane », les deux « a » ont la même production. En anglais, ce n’est pas du tout le cas. La « musique » de l’anglais vient de son alternance entre des syllabes accentuées et inaccentuées. Celles qui ne sont pas accentuées (pas moins de 70 % d’entre elles) ne sont que très rarement prononcées avec la voyelle pleine, étant pour la plupart réduites au schwa (ə) ou au (ɪ).

À titre d’exemple, sauf le cas unique où il est en fin de phrase, le mot « to » n’est pratiquement jamais prononcé à valeur « pleine » - (tuː) mais pratiquement toujours (t ə). Tout comme le mot « of » que tout autochtone prononce tout le temps (əv) lorsqu’il est entouré de syllabes accentuées. Il en est ainsi pour la vaste majorité des voyelles anglaises en situation inaccentuée. Pourtant, personne ne semble vouloir en informer les jeunes apprenants français.

Il n’est pas étonnant donc, si les français ont vu s’inscrire ces mots sur les tableaux de leur classe, accompagnés de la prononciation à pleine voyelle, qu’ils soient condamnés ad vitam aeternam à prononcer l’anglais à la française. Les étudiants de l’anglais découvrent parfois seulement dans les cours de phonétique anglaise à l’université, et avec stupéfaction ! Ce secret si fondamental et essentiel de la prononciation anglaise. Il est hélas bien trop tard pour y remédier.

Il faut donc établir le rythme spécial de la langue anglaise dès le départ et cesser d’indiquer aux jeunes français que les voyelles anglaises sont prononcées à valeur pleine. Comme pour la grammaire, il ne s’agit pas d’enseigner la phonétique telle quelle. Il s’agit tout simplement de ne pas raconter aux jeunes francophones que l’on dit « A cup OF tea » à la française.



DES SÉANCES PLUS FRÉQUENTES DANS LE PREMIER DEGRÉ ET AU COLLÈGE


Dans le premier degré et au collège, nous recommandons un réaménagement du temps d’enseignement permettant une exposition presque quotidienne à la langue pour les élèves, car réactiver les apprentissages est indispensable.

L’horaire réglementaire en langues vivantes étrangères dans le premier degré est de 54 heures par an, soit de 1 h 30 par semaine.

La répartition de ce temps est assez souple, ce qui laisse la place à plusieurs formes d’organisation possibles.

Recommandation

En primaire et au collège, réaménager les horaires pour des séances moins denses mais plus fréquentes : 15 à 20 minutes par jour dans le premier degré, cinq séances de 45 minutes en sixième ; à partir de la cinquième, quatre séances hebdomadaires de 45 minutes en langue vivante 1. Aligner autant que possible les horaires de langue vivante 2 sur ce schéma.


La recommandation de cette mission est de répartir ce temps sur quatre ou cinq jours de la semaine en séquences de 15 ou 20 minutes.

Au collège, la proposition relève du même esprit et propose de répartir différemment dans la semaine les temps d’apprentissage en modifiant à la marge le volume horaire global.


Des expérimentations sont d’ores et déjà en place dans un certain nombre d’établissements et cette mission recommande qu’elles soient suivies et évaluées dès la rentrée 2018.



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